
LE Tai Chi Chuan
L’éventail : de l’objet utilitaire à l’arme martiale
Un peu d’histoire
L’éventail, originaire de Chine (dès le IIe siècle av. J.-C.), apparaît aussi au Moyen-Orient (Égypte ancienne). D’abord objet utilitaire pour s’éventer, se protéger du soleil ou chasser la poussière, il devient progressivement un accessoire de mode, un symbole de pouvoir, puis une véritable arme dans les arts martiaux chinois, notamment dans le Wushu, sous le nom de Kung Fu Shan.
Utilisé dans les styles internes (Neijia Shan) comme externes (Waijia Shan), l’éventail martial s’exprime sous deux formes :
Wenchang, artistique et bénéfique pour la santé,
Wuchang, orienté vers le combat, sans viser à tuer, mais à repousser ou blesser l’adversaire.
Les techniques de combat sont limitées, mais précises : feintes, frappes, piques, blocages et coupes. Les formes pratiquées dans le Kungfu Wushu se distinguent par des mouvements amples et une alternance de rythmes.
Historiquement, les éventails étaient grands (jusqu’à 2 mètres) et fabriqués en divers matériaux (bambou, nacre, os, soie, plume...). Leur taille et usage évoluent au fil des dynasties : plus petits et raffinés sous les Tang, apparition des éventails pliants sous les Song, popularisation sous les Ming, spécialement grâce à l’empereur Yongle.
L’éventail entre en Europe au XVIe siècle via les Portugais, et se diffuse largement, notamment en France grâce à Marie de Médicis.
Dans le Wushu, les armes sont classées en cinq grandes catégories : les armes courtes (comme l’épée ou le sabre), les armes longues (lance, bâton), les armes doubles, les armes articulées et enfin les armes dites « par destination », catégorie à laquelle appartient l’éventail.
Considéré en Chine comme une arme dissimulée, l’éventail n’a jamais été conçu pour la puissance brute, mais plutôt pour une efficacité basée sur la précision, la vitesse, la souplesse et la ruse. Longtemps associé aux nobles et aux lettrés, il a été détourné de son usage quotidien (se protéger du soleil ou de la poussière) pour devenir l’arme des tacticiens experts.
Sur le plan technique, son maniement s’apparente à celui de l’épée (Jianshu) ou du sabre (Daoshu), notamment lorsqu’il est replié, permettant de parer, feinter, piquer, couper ou bloquer selon les circonstances.
Dans les styles internes, particulièrement le Taijiquan, l’éventail (Taiji Shan) suit des mouvements lents, souples et circulaires, en harmonie avec les principes du style, l’ouverture de l’éventail marquant souvent une sortie de force (Fajin). Art martial aristocratique par excellence, le Taiji s’accorde naturellement à cet objet raffiné.
Le Mulan Quan, plus tourné vers la santé et l’esthétique, utilise souvent l’éventail par paire, avec de grands modèles dotés de franges, sans visée martiale. Il existe aujourd’hui de nombreuses formes (Taolu), tant dans les styles internes qu’externes, parfois mixtes, mêlant grâce et puissance, fréquemment accompagnées de musique. Récemment, le grand maître Wu Bin, entraîneur légendaire de l’équipe de Beijing et mentor de Jet Li, a développé des formes modernes d’éventail externe, rendant hommage à la complexité et à la beauté de cet art discret mais redoutable.
Master Chu King-Hung

